Cinéma / télévision / scénarisation
Cinéma / télévision / scénarisation
Après avoir vu l'exécrable « Assassin's Bullet », je suis tombée sur un véritable bijou : « Wind River » écrit et réalisé par Taylor Sheridan, à qui l'on doit, entre autres, le scénario de « Sicario », et qui gagne à être connu et surtout à continuer de faire des films. Une histoire qui ne peut pas être plus d'actualité pour nous sur les femmes autochtones assassinées et disparues. L'histoire, fictive basée sur de nombreux cas réels résumés dans une situation, se déroule dans la réserve de Wind River au Wyoming, mais elle pourrait aussi bien se passer au Manitoba ou au Québec et elle est troublante de sens et de réalisme.
Avec un rythme et un atmosphère qui font penser au « Fargo » des frères Coën, le scénario, aux dialogues dépouillés, l’histoire vient rapidement nous chercher et nous ne pouvons nous empêcher de faire des parallèles avec ce que vivent les familles autochtones dans leur réserve respective, de là-bas et d’ici, et leur cohabitation avec « l’Homme Blanc ». Même injustice, même indifférence et même mépris envers ceux et celles à qui appartenait autrefois le continent, la terre de leurs ancêtres.
Jeremy Renner excelle dans un autre registre insoupçonné tout en nuance, en peu de mots. Autant j'avais trouvé qu'il n'avait pas le physique de l'emploi dans « Arrival », autant il campe parfaitement ce personnage qui traine le remords lourd d'une irresponsabilité passée menant au décès de sa fille. Pendant qu’il découvre l’horreur des derniers moments de vie de la belle Nathalie, il ne peut que penser à sa propre fille adolescente qui était sa meilleure amie, disparue quelques années auparavant et dont le corps retrouvé en décomposition ne donnait que peu d’indices sur ce qu’il lui était arrivé.
Lorsque le film s'est terminé, je suis restée un moment envahie par une grande tristesse et un sentiment d'impuissance face au destin tragique de trop nombreuses femmes autochtones ignorées et traitées comme de la matière non recyclable.
Je repense à ce film de Jean-Pierre Lefevre, « Les Maudits Sauvages », sorti en 1971, presque précurseur sur la vie de Tékacouita, une jeune autochtone amenée de force en ville, pour y être exploitée. Puis ce poème qu’elle récite tout au long du film :
« Ce pays autrefois n’était à personne
Puis il fut nôtre
Il fut la terre de nos tribus et de nos dieux
Nous tuâmes les animaux et les plantes
Pour nous nourrir, nous vêtir
Puis vinrent les hommes blancs
Et ils nous tuèrent en aussi grand nombre que les animaux
Pour s’enrichir
Puis vinrent d’autres hommes blancs
Et ils tuèrent les premiers
Pour prouver qu’ils étaient les plus forts
C’est pourquoi, aujourd’hui comme autrefois
Ce pays n’est à personne
Je ne sais d’où je viens
Je ne sais où je vais
Mais déjà, je souffre de l’incompréhension
Et de la faiblesse des hommes
Des hommes qui ont blessé
Le grand dieu des bisons
Torturé son frère, le soleil
Et enfermé dans ma chair
Le cri du silence
Je fais partie de mon peuple
Mais mon peuple ne fait pas partie de moi
Et mon pays est inondé de rivières et de lacs
Parce que j’ai trop pleuré. »
« Wind River » a remporté le 1er prix à Cannes dans la section « Second Regard ». Il est sorti en salle en août dernier et est resté à l’affiche jusqu’au début novembre. Il est maintenant disponible dans certains sites de diffusion en ligne et, comme on dit, dans un bon club video près de chez vous.
Wind River
November 28, 2017
Réalisation : Taylor Sheridan
Scénario : Taylor Sheridan
Jeremy Renner : Cory Lambert
Elizabeth Olson : Jane Banner
Graham Greene : Ben
Jon Bernthal : Matt
Kelsey Asbille : Nathalie
Gill Birmingham : Martin
Synopsis : Corey Lambert, un pisteur vétéran pour le Fish and Wildlife Service de la réserve Wind River, aide une jeune policière du FBI à élucider le meurtre sordide d’une jeune Autochtone tout en cherchant la rédemption pour une irresponsabilité passée et fatale.
Inspiré de faits réels.
Elizabeth Olsen
Jeremy Renner
Jon Berthal et Kelsey Asbille