Cinéma / télévision / scénarisation
Cinéma / télévision / scénarisation
Le réalisateur Gavin O’Connor compte une quinzaine de films et planche à ce jour sur cinq nouveaux projets. Après, entre autres « Pride and Glory » et « Jane got a Gun », il a réalisé ce long métrage signé Bill Dubuque qui en était à son troisième scénario, après « The Judge » et « A Family Man ». Suite à « The Accountant », il a créé la série « Ozark » dont il signe 2 épisodes.
« The Accountant » est très certainement un film qui se démarque par sa construction, son traitement et le mystère qui entoure les personnages qui se dévoilent tout au long de l’histoire et ce qui les relie. Très souvent, lorsqu’un scénario est entrecoupé par des retours dans le temps fréquents et que les événements se chevauchent à différentes époques, ce peut être irritant de garder le fil sans sortir de l’histoire. Dans ce film, l’évocation des souvenirs n’est ni trop lourde ni trop déroutante et a probablement évité au scénariste d’alourdir les dialogues, par exemple, afin de donner des explications continuellement ou d’ouvrir des parenthèses.
Il y a eu des films sur l’autisme, parmi les plus connus « Rain Man » avec un personnage central, Raymond, autiste profond, qui ne communique que difficilement avec son entourage, ancré dans une routine en béton, puis « Mercury Rising », avec un enfant qui a 9 ans dans l’histoire, un savant de maths et de résolution de puzzles en tout genre. Le « comptable » est différent. Dès le début du film, on voit le jeune Chris en train d’assembler les pièces d’un casse-tête, mais à l’envers, c’est-à-dire qu’il travaille avec le verso des morceaux pour compléter la fresque finale en quelques minutes. Avec ses parents et son jeune frère, ils consultent un spécialiste des problèmes neurologiques afin de connaître la meilleure façon d’agir avec Chris, qui souffre en fait du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme à haut niveau de fonctionnement, mais moins limitatif. La sujet a un quotient intellectuel supérieur, il peut arriver à fonctionner en société, mais qui éprouve d’énormes difficultés à interagir avec autrui ; de plus, il a besoin également d’un encadrement routinier pour ne pas perdre ses repères.
Le spécialiste propose de garder le jeune Chris sans frais pour travailler avec lui et l’aider à progresser. On voit que la mère est à bout et n’attend que cette offre, mais le père, un militaire endurci, refuse de laisser son fils entre les mains de spécialistes. Au grand dam de son épouse, il décide que Chris évoluera plutôt dans un mode où la rudesse et la force sont de mise afin d’apprendre ce que sont « la vraie vie et les vraies affaires. » Nous verrons par la suite que la mère, exaspérée, finit pas abandonner cette famille pour en fonder une autre avec un autre homme et que le père a tenu sa promesse d’élever ses enfants à la dure en les soumettant, entre autres, à un entrainement de combats extrêmes et de violentes batailles de ruelles.
Puis, sans avoir de détails sur les décennies qui ont suivi, on retrouve Chris à un petit bureau de comptable à sortir d’une impasse fiscale un couple d’agriculteurs. Chris est le genre d’expert comptable qui est comme celui de la blague à qui l’on demande : « Combien font 2+2 ? » Et qui répond : « Combien veux-tu que ça fasse ? » Cette scène avec le couple nous en donne un petit exemple. En même temps, cette façade permet à Chris de jouer dans le blanchissement d’argent dans la cour des grands et des dangereux.
Chris a appris à vivre et à travailler, même exceller comme comptable, avec son syndrome d’Asperger. Il vit dans un isolement presque total n’étant, semble-t-il, en interaction, que par ordinateur, avec une voix d’une femme qui demeure inconnue jusqu’à la fin du film. Il sera cependant perturbé puis intéressé par la comptable junior, Dana Cummings (Anna Kendrick) qui, sans le savoir, ouvre une brève dans la forteresse émotive de Chris. Il est ému par la volonté et l’acuité de cette jeune femme aux allures frêles avec qui il partage une passion pour la peinture et les grands maîtres. Lorsqu’elle se retrouve la cible de tueurs à gages, il se lance à sa défense, poussé par une impulsion qui lui était inconnue jusqu’à ce moment.
Ray King (J.K. Simmons) est un agent du département du Trésor américain qui traque ce comptable depuis des années, mais qui n’arrive pas à le coincer. Comme il doit prendre sa retraite, il passe le flambeau à une jeune analyste de son département, Marybeth Medina, qui n’aura pas le choix de résoudre cette intrigue. Pour lui donner une idée du but à atteindre, il lui demande : « Est-ce que vous aimez les puzzles, Maribeth Medina ? »
Le traitement de ce scénario est aussi construit comme un puzzle. Différentes pièces s’agglomèrent peu à peu, des images apparaissent et, à la fin, elles s’imbriquent les unes dans les autres. Et quelle réunion des deux frères à la fin au grand désarroi de leur employeur commun : Lamar Blackburn (John Lithgow).
Ben Affleck ne m’a jamais fait monter dans les rideaux comme acteur. Cet homme de grande taille (1,92m) m’a toujours paru empesé et coincé dans ses rôles et surtout très pingre dans l’expression de sentiments profonds. Il a, à mon avis, plus de talent comme réalisateur, à condition qu’il ne refasse plus de reconstitution comme « Argo » tronqué d’erreurs et de faits historiques. L’industrie américaine très indulgente pour ses pairs dans leur territoire surtout l’a tout de même récompensé. Cependant, dans le cas de ce film, « The Accountant », le rôle de Chris exige pratiquement une absence d’empathie, de démonstration de sentiments, d’émotions, un langage limité et une froideur déconcertante ; à ce compte-là, il est tout simplement parfait, presque du sur mesure.
Brax (Jon Bernthal), le sadique tueur à gages qui se plait à utiliser un ton humoristique avant de frapper ou de menacer ses victimes est excellent. Personne ne veut trouver un tel sbire sur sa route.
J’ai été également intriguée par la présence d’un flacon de « Zoloft » sur la table de chevet de Chris, comme s’il s’agissait d’un médicament essentiel dans son fonctionnement quotidien et au maintien d’un semblant d’équilibre. Le « Zoloft » est un antidépresseur connu et je ne voyais pas le rapport avec le syndrome dont souffre le personnage. Après vérification, on conseille vraisemblablement un médicament capteur de sérotonine, comme le Zoloft, non pas comme cure, mais plutôt comme agent de neutralité qui vise à contenir la panique, le stress, l’anxiété, la violence et la perte de contrôle. Le scénariste a fait ses devoirs.
À noter le garçon qui fait le rôle de Chris jeune : Seth Lee qui, à ce jour-ci, en est rendu à son quinzième rôle. Il crève l’écran.
Un film que j’ai aimé et que je reverrai certainement.
Budget : $44,000,000 (estimatation)
Revenus mondiaux : $155,160,045 (décembre 2017)
Sortie en salle : 2016
The Accountant
December 9, 2017
Réalisation: Gavin O’Connor
Scénario : Bill Dubuque
Avec :
Ben Affleck : Christian Wolff
Anna Kendrick : Dana Cummings
J. K Simmons : Ray King
Jon Bernthal : Brax
Cynthia Addai-Robinson: Marybeth Medina
John Lithgow : Lamar Blackburn
Jean Smart : Rita Blackburn
Christ Wolff, qui a une vie réglée au quart de tour, est un génie en mathématique qui met son talent aux services de petites entreprises rurales qui lui permettent de couvrir sa véritable activité : le blanchiement d’argent pour les plus grands trafiquants de ce monde. Un agent du département du Trésor est cependant décidé de remonter la piste jusqu’à lui.
Ben Affleck
Anna Kendrick
J.K. Simmons
Cynthia Addai-Robinson
Jon Bernthal
Seth Lee