Cinéma / télévision / scénarisation
Cinéma / télévision / scénarisation
Le film « Jean-Philippe » est un concept un peu fou écrit par Christophe Turpin et adapté par le réalisateur. Imaginez un monde où la méga vedette Johnny Hallyday n'existe pas, où monde où se réveille, un matin, son plus grand admirateur qui en perd tous ses repères, sa raison d'exister même. C'était une idée originale, mais encore fallait-il convaincre le principal intéressé, Johnny Hallyday lui-même, sans qui le film n'aurait jamais été possible, on s'en doute.
Il faut aussi savoir que si Johnny Hallyday ne provoquait pas le même engouement aussi énorme au Québec, il était un monument en France depuis des décennies. Il était certainement le plus américain des chanteurs français, non pas par imitation, mais par l'influence de l'ami de la tante qui l'a élevé, Lee Hallyday, originaire de l'Oklahoma, un musicien et artiste de cabaret. Il avait pris Jean-Philippe sous son aile, qui le suivait partout. Les racines musicales de Johnny sont beaucoup plus américaines que françaises ce qui l'a certainement démarqué des autres chanteurs rock de sa génération et même d'aujourd'hui. Hallyday ne lésinait sur rien pour monter un spectacle, c'était toujours « énorme. » Il avait décidé de vivre en Californie, d'une part, parce que ses musiciens étaient presque tous américains et, d'autre part, parce qu'il pouvait sortir sans être reconnu et assailli par les paparazzis. Hallyday était sans aucun doute flamboyant sur scène, mais dans la vie privée, il aimait les gens et les choses simples. Les artifices l'agaçaient et pourtant il n'en manquait pas sur scène.
Il voulait avant toute chose être un acteur. C'est en participant à un concours télévisé que sa voie a bifurqué du côté de la chanson, mais il a aura tout de même joué dans 42 longs métrages.
Le réalisateur Laurent Tuel a fait acheminer le scénario à Hallyday qui, dans un premier temps, l'a refusé catégoriquement. L'histoire et son approche ne lui disaient rien qui vaille. C'est l'acteur Antoine Duléry (qui joue Chris Summer) qui l'a convaincu de relire le scénario et d'accepter d'y jouer. Hallyday y a consenti à la condition que ce soit Fabrice Luchini qui joue le rôle du fan invétéré. Les deux se connaissaient déjà et Hallyday savait que Luchini comptait parmi ses admirateurs, mais c'était aussi réciproque. Luchini a aussi d'abord refusé, lui qui était davantage identifié à des rôles plus intellectuels ou profonds. Puis, la fille de Luchini, Emma, a fini par convaincre son père d'accepter pour justement montrer comment il pouvait jouer dans un registre autre que celui auquel le public était habitué. Cela donne un tandem plutôt réussi bien que dépareillé et totalement divertissant.
Pour résumé l'histoire, Fabrice est un cadre plutôt blasé avec sa vie ordinaire. Il n'a qu'une passion, une flamme qui n'anime vraiment : son admiration sans bornes pour le chanteur Johnny Hallyday, icône adulée dans toute la France. Fabrice a même réservé une pièce complète dans sa maison consacrée exclusivement aux souvenirs, figurines, photos, disques et objets en tout genre ayant un lien direct ou même indirect avec la star. Il a toujours sur lui un autographe, signé de la main de son idole à son nom, qu'il garde précieusement dans son portefeuille et qu'il exhibe avec la plus grande prudence. Il aime tellement Hallyday que sa famille et ses amis en sont un peu exaspérés.
Un soir, il prend une cuite et, complètement ivre, il hurle les chansons de son idole dans la rue, en pleine nuit, alors qu'il retourne chez lui. Un voisin très irrité par le « bruit » lui colle un coup de poing au visage pour le faire taire. Il s'effondre et se réveille quelques heures plus tard à l'hôpital. Si son premier souvenir va à Johnny, il découvre au fur et à mesure qu'il revient dans son quotidien que personne ne connaît Johnny Hallyday, il est un parfait inconnu. La vedette de l'heure est un certain Chris Summer. C'est une catastrophe pour Fabrice. Les gens autour de lui sont les mêmes, mais les rôles ont changé, même sa fille ne porte plus le même nom. Il constate alors que sa commotion l'a transporté dans un monde parallèle où son Johnny n'existe pas, du moins pas comme vedette, mais comme simple citoyen, Jean-Philippe Smet (le nom véritable de naissance du chanteur), propriétaire d'un club de bowling. Il a maintenant 60 ans et est un parfait inconnu. Pour Fabrice, c'est une aberration. Il finit par convaincre Jean-Philippe, qui dans un passé lointain avait frôlé une chance inouïe de devenir chanteur, de reprendre le flambeau et d'être le Johnny Hallyday qu'il adule dans son monde original. Évidemment, Jean-Philippe n'y croit pas. Il est beaucoup plus préoccupé par un problème personnel : après avoir découvert son infidélité, sa femme le quitte. Par dépit, il décide de se laisser guider par l'enthousiaste Fabrice qui parviendra envers et contre tous à le mener sur la scène du stade de France.
Ce film n'est pas la comédie du siècle ni un chef d'oeuvre de scénarisation, mais vous passez un bon moment garanti à suivre les mésaventures de ses deux artistes qui, dans la vraie vie, s'admirent mutuellement et sont des amis de longue date. Que Hallyday ait accepté de jouer ce rôle est en soi un exploit et une preuve que le chanteur était parfaitement capable d'autodérision, comme il l'a fait plus récemment dans le film « Rock'n Roll » de Guillaume Canet. Quant à Fabrice Luchini qui sortait aussi de sa zone de confort, il avouait dans un témoignage à Johnny après son décès que ce tournage fut une suite de journées mémorables en sa compagnie. Ce film laisse un bon souvenir du chanteur au public.
Un clin d’oeil : la présence de Benoît Poelvoorde dans une courte scène où il reprend le rôle du sosie de Claude François dans « Podium », lui qui avait juré ne plus porter cette perruque, mais pour Johnny et Fabrice, il a fait une exception. Belle trouvaille !
Budget et recettes : données incomplètes
Sortie en salle : 2006
Jean-Philippe
December 17, 2017
Réalisation: Laurent Tuel
Scénario : Laurent Tuel, Christophe Turpin
Avec :
Johnny Hallyday : Jean-Philippe
Fabrice Luchini : Fabrice
Guilaine Londez : Babette
Caroline Cellier : Caroline
Antoine Duléry : Chris
Fabrice est un cadre tout ce qu'il y a de plus ordinaire, avec une vie tranquille en banlieue, époux d'une institutrice et papa d'une fille adolescente. Il a cependant une passion débordante pour le chanteur Johnny Halliday au point qu'il empoisonne la vie de son entourage avec son admiration pour son idole. Il écoute Johnny, cite Johnny, rêve à Johnny et chante Johnny à tue-tête dans la rue tellement fort qu'il se mérite un coup de poing qui l'envoie dans une autre dimension où Johnny Hallyday n'est que Jean-Philippe, un propriétaire d'un club de bowling. Dans ce monde, personne ne sait qui est Johnny Hallyday et même Jean-Philippe s’en fout.
Fabrice exhibe fièrement l’autographe de Johnny
Jean-Philippe en pratique
Fabrice devant le club de bowling
Benoît Poelvoorde
Johnny Hallyday et Fabrice Luchini en Bretagne.