Cinéma / télévision / scénarisation
Cinéma / télévision / scénarisation
L’auteur américain James Dickey était avant tout un poète. Il a publié plus de recueils de poésie (26) que de romans (3). Après avoir pratiqué divers métiers principalement en publicité comme rédacteur, il se consacre entièrement à l’écriture et à l’enseignement jusqu’à la toute fin de sa vie. C’est en 1970 que son premier roman, « Deliverance » est publié et applaudit par le public et les lecteurs. L’intérêt est tel que John Boorman veut porter ce roman à l’écran. Dickey participera à la scénarisation du film avec John Boorman.
Le film est sorti en 1972 et quarante-cinq ans plus tard, on peut encore le regarder et le redécouvrir. L’action qui se passe essentiellement sur une rivière encadrée par une forêt inhabitée nous tient en haleine jusqu’à son dénouement. Boorman, qui n’en était pratiquement à ses débuts, n’avait réalisé que quelques films. Il avait connu deux succès avant « Deliverance » avec « Point Blank » et « Hell in the Pacific ». Ce film représentait un défi dans le traitement, la location et le choix des personnages. Plusieurs personnes qui habitaient dans la région où a été tourné le film ont passé des auditions pour y jouer ou y figurer.
Au début de l’histoire, Lewis entraine ses amis dans cette région perdue en montagne où les habitants semblent vivre au siècle passé. Les maisons sont délabrées, les carcasses d’auto rouillées jonchent les cours et ces montagnards, selon ce que pense Ed, l’un des quatre, sont le produit d’unions consanguines et sont déficients ou ont l’esprit lent. Il faut dire que les trois amis de Lewis sont plutôt habitués à leur vie tranquille et leur confort douillet. Lewis aimerait que cette sortie éveille leur appétit pour la nature.
Trouver un point d’entrée pour la rivière ne représente pas le plus grand problème dans une descente en canot. Comme on ne veut pas remonter le courant, il faut que les autos soient conduites au point d’arrivée. Il faut donc trouver 2 chauffeurs parmi ces montagnards capables de s’acquitter de cette mission sans risque. Le groupe s’arrête donc à une station d’essence située près d’une maison qui a plus l’air d’un taudis. Un garçon à l’air étrange est assis sur la véranda, un banjo à la main. Il est placide, mais il réagit au son de la guitare de Drew. Cette scène deviendra sans aucun doute d’un des moments les plus connus dans cette décennie de production et encore aujourd’hui. Si l’on n’a jamais vu le film, on a très certainement entendu ce duo improbable entre Drew et l’adolescent. L’atmosphère lourde et glauque de l’endroit devient soudainement animée de joie et arrache même un sourire au stoïque Lewis.
Derrière cette scène mémorable, il y a toute une histoire. D’abord, Lonnie, joué par Billy Redden, est bel et bien un jeune d’un village voisin, mais il n’est pas simple d’esprit. On a accentué son physique aux traits particuliers avec le maquillage. Ensuite, il ne joue pas du tout du banjo. Les prises de vue où il faisait semblant de gratter les cordes ne concordaient pas avec ce que voulait le réalisateur qui ne voulait pas changer cet acteur amateur au physique parfait pour l’emploi. Alors on a déniché un musicien local, Michael Addiss, virtuose du banjo et, placé derrière Lonnie, c’est sa main gauche que l’on voit sur le manche de l’instrument. En plus, la musique utilisée n’a jamais eu de crédit jusqu’à ce qu’une poursuite soit intentée par le compositeur, Arthur Smith, pour obtenir réparation. Encore aujourd’hui, dans la version « rematricée », ne mentionne ni son nom ni celui du musicien. Par contre, on peut lire les noms de Eric Weissberg et de Steve Mandel pour l’arrangement de la pièce originale : « Feudin Banjos. »
Bien qu’il ait marqué ce film par sa courte apparition, Billy Redden a connu une certaine célébrité à l’époque et plus récemment lorsque des journalistes l’ont retracé et l’ont ramené sur les lieux de tournage. Tim Burton, intrigué par le personnage, lui a également donné un petit rôle dans « Big Fish » en 2003. À une occasion on lui a tendu un banjo pour qu’il rejoue le célèbre morceau, mais il n’a jamais dit qu’il ne savait pas en jouer, il a simplement dit qu’il ne savait plus. Par contre, pour cette scène, Ronny Cox est un guitariste accompli qui considère que la musique vient en tout premier dans sa carrière.
Une autre figure marquante dans la distribution de ce film est Burt Reynolds. Jusqu’à ce moment, il était surtout connu comme cascadeur à Hollywood et il avait joué dans plusieurs films de série « B » surtout sans grand succès commercial. Dans le milieu, on savait qui il était, mais il a fallu un John Boormann pour penser à lui pour ce rôle d’aventurier. Il passait d’un rôle ordinaire de voyou à celui d’un détective ou d’un shérif. « Deliverance » fut salutaire pour lui et, comme le titre l’indique, une délivrance. À côté de ses trois amis, il apparait comme un homme fort, vif, téméraire et audacieux ; il n’a peur de rien et semble doté d’une capacité d’endurance physique hors du commun. Il est tellement prêt à cette nouvelle aventure dans les courants tumultueux de la Cahulawassee, qu’il endosse déjà la veste isothermique longtemps avant d’être à la rivière, sans manches bien sûr, pour exposer les muscles.
Ces premiers moments avec ce leader viril qui veut initier ses comparses à se déconstiper dans la nature sauvage laissent présager un week-end de gars où l’on va boire de la bière, parler des femmes, des sports, griller des guimauves et des saucisses sur le feu de camp et dormir aux sons et bruits de la forêt dans un décor bucolique. Après quelques kilomètres sur la rivière à pagayer et affronter des passages à forts courants, les amis s’arrêtent pour la nuit, heureux de cette première journée bien remplie. Le lendemain commence sur la même note. Ed et Bobby partent les premiers et prennent une bonne avance. Ne voyant plus Lewis et Drew derrière eux, ils s’arrêtent sur une berge pour les attendre. Bien mauvaise idée. Ils apprennent à leurs dépens qu’ils étaient épiés depuis le début par deux frères rustres qui semblent sortir tout droit d’une porcherie. Très antipathiques, ils deviennent rapidement agressifs et fourbissent leurs armes contre Drew et Bobby surpris par cette attaque inattendue qui dégénère. Bobby est brutalement violé par l’un d’eux et au moment où Ed va être violenté à son tour, une flèche transperce le thorax de la brute. Ils n’avaient pas entendu Lewis et Drew arriver. L’un des malfrats mort, l’autre prend la fuite sans demander ses restes. Le dilemme éclate. Lewis suggère que l’on enterre le corps et que l’on déguerpisse au plus vite et surtout que l’on oublie complètement cet incident. Drew s’oppose avec véhémence en voulant que l’on laisse plutôt la loi se charger de ce cas flagrant de légitime défense. Comme Lewis le fait valoir, ils se trouvent dans un giron probablement contrôlé par les membres d’une même famille et les autorités sont sans doute des cousins des deux frères. La loi ne peut pas les aider, clame-t-il. Les autres se rangent derrière Lewis et Drew se plie à contrecoeur à leur décision.
Ils enterrent le corps qui ne risque pas de réapparaitre avec l’inondation annoncée et ils quittent l’endroit. C’est le début de la pire journée de leur existence où chacun est mis à l’épreuve. Jusqu’à ce moment, Lewis était le leader incontesté et les autres se fiaient totalement à lui pour la prise de décisions. Comme il est blessé gravement dans un chavirement, Ed doit faire à la musique, lui qui a toujours été plutôt passif et faible dans sa vie. Passera-t-il le test ?
L’histoire met en lumière l’être humain face à ses peurs, à ses défis et à ses préjugés. Est-ce qu’une amitié que l’on croit solide peut résister à des épreuves et à des décisions cruciales ?
Depuis que ce film a été fait, des imitations bas de gamme, franchement clichées ont été réalisées et qui valent la peine que l’on passe le temps de nos loisirs ailleurs.
Budget : 2 millions
Revenus mondiaux : 46 millions au cours de sa première année d’exploitation.
Les revenus ont continué l’année suivante.
Sortie en salle :1972
Le film fut tourné sur la rivière Chattooga, Caroline du Nord. La rivière Cahulawassee est un nom fictif.
La pièce musicale « Feudin Banjos » a été joué dans au moins 41 autres films américains depuis 1963, avec les crédits du compositeur.
Pour revoir la scène du banjo en HD, cliquez ici :
Deliverance
December 14, 2017
Réalisation: John Boorman
Scénario : James Dickey et John Boorman. D’après le roman de James Dickey
Avec :
Jon Voight : Ed
Burt Reynolds : Lewis
Ronny Cox : Drew
Ned Beatty : Bobby
Billy Redden : Lonnie
L’intrépide Lewis (Burt Reynolds) est un amateur de plein air et de sports extrêmes. Même qu’il chasse et pêche à l’arc. Une rivière, la Cahulawassee, connue pour la pureté de son eau et ses débits rapides par endroits sera bientôt en raison de l’inondation volontaire de toute la région afin de construire un barrage. Il convainc trois de ses amis de le suivre en expédition en canot afin de descendre cette rivière avant qu’elle disparaisse. L’endroit est sauvage et l’accueil que leur réserve certains montagnards mettra leur vie et leur amitié à l’épreuve.
Billy Redden
Burt Reynolds
Jon Voight
Ronny Cox
Ned Beatty
Les deux montagnards